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Colloque Décider maintenant « Électrification de la mobilité: où en est-on? »

Marie Dégremont, directrice des études de La Fabrique de la Cité et Anthony Briant, directeur de l’École Nationale des Ponts et Chaussées (ENPC) ont introduit la matinée en rappelant l’aspect essentiel de l’électrification des mobilités, en particulier celles utilisant la route. Électrification qui requiert des infrastructures robustes et fiables, un modèle économique durable, crédible et souverain ainsi qu’un socle politique clair. Dans ce cadre, comment l’État doit s’impliquer pour améliorer la mobilité des citoyens et des marchandises, et quel rôle les collectivités territoriales peuvent-elles jouer ? Comment les entreprises apportent-elles également leur contribution ?

Marie Dégremont, directrice des études de La Fabrique de la Cité

Transformation des compétences métiers, de la chaîne de valeur, des technologies et des produits, Josep Maria Recasens, directeur de la stratégie et du business développement chez Renault a présenté les différents défis du secteur automobile sur le sujet de l’électrique. En France, depuis 2020, 14 milliards d’euros ont été investis dans la transition des transports et en grande partie dans l’électrification de ceux-ci. Mais cela ne suffira pas à rattraper les constructeurs automobiles chinois, qui en 15 ans se sont installés comme leader mondial. Pour Josep Maria Recasens, nous faisons face à un trilemme : décarbonation, compétitivité, résilience économique. Pour autant, il invite à ne pas faire de compromis sur l’électrification, créatrice d’emplois et levier de rayonnement à l’international.

Quelles perspectives de la mobilité électrique en Europe ?

Ce fut la question posée à Diane Strauss, directrice de Transport et Environment (T&E), pour qui le marché fait face à une légère contraction notamment car les constructeurs ont continué à produire des véhicules volumineux – et donc chers – dans une période de baisse du pouvoir d’achat.  Sans parler des à-coups des politiques publiques sur les aides à l’achat qu’ont subi les consommateurs. Diane Strauss préconise le leasing social afin d’encourager et de soutenir la transition à l’électrique dans les classes populaires. Côté offre, pour permettre aux constructeurs de faire face à la concurrence des entreprises chinoises tout en conciliant transition et soutenabilité financière, Diane Strauss considère que la souveraineté européenne reposera sur le triptyque : « Make EU, Buy EU, Protect EU ».

Diane Strauss, directrice de Transport & Environnement

Dans ce cadre, comment accélérer le déploiement des véhicules électriques ?

Pour Gilles Moreau, co-fondateur & directeur du Développement Durable de Verkor, une chose est sûre “le véhicule électrique, [demain], il sera là”. Confiant que les prix vont baisser et faisant état d’une chaîne de valeur qui se met rapidement en place, il considère que l’enjeu se trouve dorénavant dans la stabilité réglementaire, médiatique et politique pour permettre aux industriels de se lancer dans des engagements pérennes. Gilles Moreau a notamment insisté sur trois points fondamentaux :

  1. protéger du dumping social et environnemental ;
  2. protéger du dumping économique ;
  3. mettre l’accent sur la formation.

L’intervention de Clément Molizon, Délégué général de l’Avere-France est venue illustrer le succès de l’électrique aujourd’hui. En effet, malgré une année de “backlash” et d’instabilité politique et économique, les ventes de véhicules électriques stagnent, ce qui peut être interprété positivement. Chez les consommateurs, ceux qui ont sauté le pas sont satisfaits à 93 % et un tiers de la population française se dit prête à passer, un jour, à l’électrique. Et le réseau de bornes en France est solide, même si on a répété pendant des années qu’il en manquait. “On a créé les conditions de cette perception négative sur la recharge”. Le marché de l’occasion se solidifie également, et les véhicules hybrides peuvent également jouer un rôle d’intermédiaire. “Si cela évite des voitures 100 % thermiques, le pari de la décarbonation est rempli”.

Constance Maréchal-Dereu, cheffe du service industrie à la Direction Générale des Entreprises (DGE) a confirmé la volonté de l’État d’avancer sur le sujet, et à ce titre, tous les leviers à la disposition du public sont mis en place pour stimuler et accompagner la transition côté demande. Par ailleurs, la DGE travaille à ce que les constructeurs asiatiques ne soient pas avantagés au détriment des Français et européens. L’objectif étant de privilégier la production française, ce qui en retour aide à l’acceptabilité sociale de placer un certain budget national dans les aides à l’achat.

La table-ronde "Comment accélérer le déploiement des véhicules électriques ?"

Daphné Tuncer, chercheuse de l’École Nationale des Ponts et Chaussées (ENPC) au Laboratoire Ville, Mobilité, Transport (LVMT), a insisté sur l’importance de l’accès aux données afin d’améliorer le service de recharge. En effet, la collecte de données permet d’informer et de guider directement les utilisateurs vers les bornes, ce qui requiert une coordination des différents acteurs pour une gestion dynamique du réseau. La chercheuse a également décrit le partenariat entre VINCI et l’ENPC dont l’objectif est de soutenir des projets de recherche directement applicables aux mobilités électriques.

Pour accompagner l’électrification de la mobilité, comment garantir un approvisionnement en électricité bas carbone ? 

Pour Chloé Latour, directrice Stratégie et Régulation de RTE, la planification du réseau peut être améliorée en fonction de la modélisation de la consommation, permettant des économies importantes sur les infrastructures.

Des éléments de tarification, basés sur les heures creuses et pleines peuvent être introduits afin d’harmoniser la consommation en fonction de la production en continu grâce à l’énergie nucléaire notamment. Avoir accès aux données sur un maillage suffisamment précis est aussi un enjeu de taille pour RTE afin de prévoir l’équilibre du marché et éviter les ruptures totales comme ce fut le cas récemment en Espagne. Enfin, le financement global du réseau est une pierre angulaire de la transition, à l’heure où la facture énergétique fossile pèse lourd et représente un enjeu de souveraineté fondamental.

Daphné Tuncer, chercheuse de l'l’École Nationale des Ponts et Chaussées (ENPC)

François Durovray, ancien Ministre délégué chargé des Transports et président du Conseil départemental de l’Essonne a proposé de remonter le temps, en posant le regard sur la situation il y a 3 ans, quand certaines centrales nucléaires étaient encore à l’arrêt et les bornes électriques rares. Aujourd’hui, celles-ci se sont déployées sur tout le territoire et l’électricité est fiable et robuste. Pour autant, la proportion de véhicules électriques reste décevante. C’est pourquoi le monde politique encourage la visibilité des compétences des industriels européens face à l’innovation chinoise. Mais il s’agit également de lever les freins à l’achat des particuliers. Pourquoi ne pas accorder des aides en fonction de critères sociaux et géographiques ? Pour ce faire, l’ancien ministre propose d’utiliser des fonds extra-budgétaires pour éviter l’instabilité des aides.

Après avoir rappelé que le réseau français de recharge avait connu une formidable expansion en 2024, Didier Liautaud, vice-Président de Charge France a déclaré que les prochains importants investissements – afin d’augmenter l’autonomie des véhicules et la diminution de temps de charge – seront tributaires de la stabilité des politiques publiques. Il a par ailleurs alerté sur les enjeux de sécurité liés à la récolte massive de données des bornes nécessaires à ces améliorations.

François Durovray, Ancien Ministre délégué chargé des Transports et Président du Conseil départemental de l'Essonne

Nicolas Notebaert, directeur général Concessions de VINCI, président de VINCI Autoroutes a conclu le colloque en soulevant le besoin fondamental d’électricité. Il a rappelé que l’Europe doit produire beaucoup plus d’électricité décarbonée à la fois pour des raisons environnementales et de souveraineté, afin de garantir une stabilité de court, moyen et long-terme. Côté demande, Nicolas Notebaert confirme que la recharge est aujourd’hui facile d’accès en France et invite à réfléchir à des systèmes de prêts qui pourraient amortir le prix d’achat des véhicules électriques qui, sur le long-terme coûtent moins cher au consommateur. En termes de bornes de recharge, il invite à une planification afin d’aller encore plus loin et accompagner la transition vers le tout électrique dans les dix prochaines années.

Selon lui, le cap du 100 % électrique doit être maintenu dans tous les esprits malgré les instabilités économiques ou politiques. L’objectif est collectif, les solutions seront multiples ; et les entreprises doivent en faire partie.

Nicolas Notebaert, directeur général Concessions de VINCI
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La Fabrique de la Cité

La Fabrique de la Cité est le think tank des transitions urbaines, fondé en 2010 à l’initiative du groupe VINCI, son mécène. Les acteurs de la cité, français et internationaux, y travaillent ensemble à l’élaboration de nouvelles manières de construire et reconstruire les villes.

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