Portrait de ville

Penser les futurs de Venise : quel avenir pour les villes littorales vulnérables ?

La Fabrique de la Cité a organisé en juin 2025 un voyage d’études à Venise, en Italie, afin d’y étudier les vulnérabilités et modalités d’adaptation d’une ville littorale exemplaire, qui s’est construit entre terre et mer.

« Ville d’eau, archétype de l’imaginaire et structure répondant à des besoins anthropologiques fondamentaux. […]. Je crois en l’avenir des villes d’eau, en un monde peuplé d’innombrables Venise. »

— En 1974, Italo Calvino évoquait Venise en ces termes. [1]

[1] Calvino, Venezia archetipo e utopia della città acquatica. Milan : Arnoldo Mondadori Editore, 1995 (2ème éd.)

 

Le lien particulier que Venise entretient avec l’eau repose sur une réalité géographique, économique et culturelle qui fait de la présence de l’eau dans la ville une condition de son existence. La lagune, dont les canaux ont conféré à la ville sa forme de « poisson », a accueilli pendant des siècles des activités tirant partie de cette relation avec le monde marin (commerce, construction navale et pêche) : un lien inextricable entre Venise et l’eau symbolisé par la cérémonie du mariage avec la mer ( « sposalizio al mare »). Ces éléments documentent la construction d’une ville en bonne intelligence avec son environnement, dont les 118 îlots se sont progressivement spécialisés par fonction.

 

Toutefois, d’élément autrefois protecteur, l’eau se mue progressivement en une menace à Venise. Les relations déréglées entre lagune et habitants, reflétant plus largement le dérèglement du climat planétaire, mettent en danger la ville.

 

Le 31 juillet 2023, l’UNESCO recommandait officiellement d’inscrire Venise sur la liste du patrimoine mondial en péril. Confrontée à la montée des eaux et à l’hyper- tourisme – phénomènes qui inquiètent de nombreux espaces littoraux à l’échelle globale – Venise doit composer avec les répercussions concrètes de ces évènements à l’échelle de la ville et des habitants. Tandis que les inondations fréquentes menacent le bâti vénitien, les vagues de touristes entraînent une augmentation du coût de la vie et du logement et mettent sous tension le bon fonctionnement de la circulation.

 

Le quasi-monopole de l’activité touristique sur l’économie locale a pour corollaire l’essoufflement des autres secteurs d’activité notamment industriels, qui alimente les craintes historiques de la cité vénitienne vis-à-vis de son propre déclin.

 

Depuis la dissolution de la République de Venise votée par son Grand Conseil en 1797, l’ancienne cité des Doges bataille de fait avec un affaiblissement économique et politique qu’elle tente de contrecarrer par soubresauts.

Gabriele Bella. La visite du doge à San Nicolò après le Mariage avec la Mer. Vers 1779-1792. Conservé à la Pinacothèque Querini Stampalia, Venise

Si par le passé, Venise a su se maintenir intelligemment à flot, elle doit aujourd’hui composer avec les enjeux globaux de l’anthropocène2 et réussir à concilier les perceptions divergentes de ses acteurs. Pour Paolo Costa, son ancien maire, il existerait deux Venise : celle des touristes, la Venise historique, et celle des habitants, à savoir la communauté métropolitaine de Venise. Les deux Venise renvoient à des réalités économiques et démographiques, et architecturales différentes. Les divisions ne s’arrêtent pas là. Au sein même de la population, des tensions apparaissent entre utilitaristes et conservatistes de la lagune3.

 

L’interdépendance des facteurs écologiques, démographiques, économiques implique en outre de considérer les problèmes posés dans leur ensemble. Dans cette optique, Venise se livre à un arbitrage délicat pour atteindre ses objectifs. Pour y réussir, la ville s’efforce de faire de l’adaptation son maître-mot et, ce faisant, devient le symbole d’une quête constante de l’équilibre à échelle urbaine. La Fabrique de la Cité et Leonard se sont lancés à la recherche de ce fragile équilibre lors d’une expédition urbaine du 4 au 6 juin 2025, accompagnée d’experts et de décideurs de divers horizons.

 

[2] Selon le CNRS, « par le terme « Anthropocène », on désigne la nouvelle époque géologique dans laquelle nous sommes récemment entrés et qui se caractérise par la pression sans précédent que les humains font peser sur l’écosystème terrestre. » https://www.inee.cnrs.fr/fr/lanthropocene

[3] Les premiers perçoivent la lagune comme un espace-ressource dont il faut tirer les fruits. Les seconds prônent une conservation de la lagune pour elle-même, simplement parce qu’elle existe.

« Venise donne une leçon extraordinaire sur comment, par le passé, il fut possible de combiner compétitivité à échelle internationale et protection sociale et environnementale. »

— Piero Bevilacqua, Venezia e l’acqua : una metafora planetaria, 1995.

La suite du portrait de Venise est à découvrir en le téléchargeant ci-dessous.

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La Fabrique de la Cité

La Fabrique de la Cité est le think tank des transitions urbaines, fondé en 2010 à l’initiative du groupe VINCI, son mécène. Les acteurs de la cité, français et internationaux, y travaillent ensemble à l’élaboration de nouvelles manières de construire et reconstruire les villes.

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